Cet octobre, l’ONJ a fait découvrir à divers publics une pratique musicale aussi ludique qu’enrichissante pour comprendre les principes de l’improvisation et de l’écoute : le soundpainting.
Le soundpainting est un langage de signes qui permet à un·e chef·fe d’orchestre de créer de la musique en temps réel en donnant diverses indications aux musicien·ne·s.
Les premiers ateliers ont eu lieu dans un magnifique studio de la Cité de la Musique, réunissant plusieurs classes allant de l’école primaire au lycée. Cette initiative s’inscrit dans une série d’actions culturelles autour du programme Jeux, en collaboration avec l’Ensemble intercontemporain (EIC). Pour s’échauffer, les élèves ont d’abord échangé des claquements de mains et de doigts en suivant un certain ordre, un exercice qui les obligeait à se concentrer et à affûter leur écoute. Ensuite, Marianne Clair et Estelle Gonet, responsables des actions culturelles de l’ONJ et de l’EIC, ont questionné les élèves sur les caractéristiques du son et de la musique qu’un·e chef·fe d’orchestre pourrait vouloir contrôler, comme le volume, le tempo, ou la répartition du son, ce qui a permis de définir des signes pour diriger l’ensemble. Intéressant à noter, ces signes ne correspondaient pas toujours aux signes traditionnels du soundpainting élaborés par son inventeur, Walter Thompson. L’objectif n’était en effet pas d’enseigner précisément ce langage, mais d’encourager les élèves à réfléchir aux caractéristiques du son et à la direction d’orchestre.
Ensuite, chaque élève a imaginé un son réalisable avec son corps (voix, percussion avec les mains, les pieds…) dans la thématique du jeu, qu’il devait garder en tête. Une fois ces sons trouvés, un·e chef·fe d’orchestre était désigné·e pour diriger. Il·elle pouvait choisir qui devait exécuter le son choisi, quand, de quelle manière et à quelle intensité, ce qui devenait particulièrement complexe lorsqu’il·elle découvrait les sons en temps réel et devait improviser selon ce qu’il·elle entendait ! Certain·e·s chef·fe·s ont choisi de faire jouer tous les élèves ensemble en variant l’intensité, tandis que d’autres ont organisé des duos pour faire ressortir chaque son distinctement. À chaque fois, l’expérience était unique et le résultat, différent.
La deuxième occasion d’explorer le soundpainting s’est déroulée lors d’un atelier dirigé par Frédéric Maurin, directeur artistique de l’ONJ, à la Comète (Châlons-en-Champagne). Cet atelier s’inscrivait également dans la série d’actions culturelles autour du programme Jeux, dont la première représentation avait lieu cette même semaine, avec une répétition générale ouverte à la Comète deux jours plus tard. Le public comprenait des enfants et des personnes accompagnées par la Croix-Rouge, dont la plupart n’avaient jamais expérimenté l’improvisation musicale, encore moins le soundpainting.
L’atelier a débuté par l’apprentissage des principes de base et des gestes fondamentaux du soundpainting. Lorsqu’il dirige, le chef d’orchestre doit toujours intégrer trois éléments : Quoi ? Qui ? Quand ? Autrement dit, quel son doit être produit, par qui, et à quel moment. Par exemple, il peut commencer en indiquant que le prochain son devra être joué par tout le monde en rejoignant ses mains au-dessus de sa tête, préciser que le son doit être une note tenue à la voix en traçant une ligne avec ses deux mains, et enfin faire un geste des deux mains vers les musicien·ne·s pour signaler le moment de commencer. Au fur et à mesure, de nouveaux gestes ont été introduits pour créer d’autres sons : sifflements, percussions corporelles, paroles, ainsi que des gestes spécifiques pour ne faire jouer qu’une partie du groupe. Même avec une dizaine de gestes seulement (sur plus de 1500 possibles), les combinaisons devenaient infinies et complexes.
Par exemple, le·la chef·fe peut créer des unités de mémoire, que les musiciens doivent garder en tête et que le·la chef·fe peut rappeler à tout moment. Plusieurs unités peuvent alors se succéder ou se combiner, demandant aux musiciens une attention soutenue et une mémoire précise.
Cet exercice pouvait vite se complexifier, en particulier pour les débutant·e·s. Frédéric a donc introduit chaque signe de manière progressive, montrant son utilisation en contexte tout en réutilisant des signes précédemment abordés pour qu’ils ne soient pas oubliés. Bien que la découverte de ce langage ait posé quelques défis aux participant·e·s, il était impressionnant de voir la rapidité avec laquelle chacun s’est approprié les gestes pour participer à une véritable création musicale. Frédéric a même invité certains participant·e·s à diriger l’orchestre, leur permettant ainsi d’explorer l’expression musicale en tant que chef·fe. Comme lors des ateliers avec les élèves à la Philharmonie, il était fascinant d’observer les différentes approches des participant·e·s : certain·e·s se concentraient sur le volume sonore, tandis que d’autres tentaient de créer les sons les plus originaux et variés possible.
Ces ateliers ont montré combien le soundpainting peut transformer l’écoute et la créativité, offrant à chacun la possibilité de devenir chef·fe d’orchestre ou musicien·ne-improvisateur·ice, même pour un instant. À la Philharmonie comme à la Comète, chaque session a révélé des approches et des résultats uniques, preuve que la musique est avant tout un jeu collectif et un échange riche en surprises.
Mathieu Fichou,
Volontaire en service civique à l’ONJ.