Quelques gouttes de jazz

Publié le 26 août 2024

Les murs ont des oreilles – saison 2

D’une voix feutrée, Blind Blake prend la parole, assis autour d’une table ronde avec les autres participants. Il se tient légèrement à distance du micro qui lui est tendu et qui sera distribué tour à tour à ses compagnons. Petit à petit, sa voix s’élève tandis qu’il narre le parcours de Bessie Smith, son enfance tragique, son ascension vers la gloire.
Dans cette atmosphère intime, les murs de la Maison d’Arrêt des Hauts-de-Seine se transforment en un studio d’enregistrement improvisé. Les participants, opérant sous des pseudonymes de bluesmen choisis pour l’occasion — Tampa Red, Kokomo, T-Bone, et Doctor Clayton — prennent la parole. Le temps de trois podcasts, ces cinq personnes détenues deviendront successivement chroniqueurs radio spécialistes du blues.

Ces podcasts d’une durée de dix minutes, élaborés collectivement, sont le fruit d’une longue série d’ateliers conduits par Adèle Molle – journaliste, autrice, musicienne et conteuse-, sous l’impulsion d’un partenariat entre l’Orchestre National de Jazz (ONJ) et le Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation des Hauts-de-SeineÀ la suite de la première édition amorcée en 2023, l’ONJ a reconduit le projet ambitieux ‘Les Murs ont des Oreilles’, visant à réunir sur une durée de deux semaines un groupe d’une dizaine d’hommes autour des richesses du jazz.

Bessie Smith par Carl Van Vechten, 1936

Baptisée ‘Quelques gouttes de jazz’, cette nouvelle saison a plongé au cœur des combats des grandes figures du blues comme Bessie Smith, John Lee Hooker, et BB King à travers la découverte de l’écriture radiophonique et une incursion vers la création d’un blues collectif.  Les thèmes abordés par ces bluesmen, à la fois prosaïques et personnels, ont trouvé un écho particulier entre les murs de la maison d’arrêt, les apprentis chroniqueurs ressentant parfois une certaine résonance de la vie de ces artistes dans leur propre parcours.
Les dix ateliers de deux heures ont été nourris par une série de conférences animées par Yazid Manou, le guitariste Pierre Durand, et Frédéric Maurin, directeur artistique de l’ONJ.
À tour de rôle, ils ont exploré le parcours unique de Jimi Hendrix, le métissage du blues et son lien avec le hip-hop, ainsi que le pouvoir de dénonciation politique de ce genre hérité des ‘work songs’. Les conférences ont enrichi l’écriture des podcasts, chaque intervenant accompagnant à l’occasion les personnes détenues dans leurs recherches, à travers des séances intimistes de dialogue libre.

À mi-parcours,  un concert du quartet Blues & Roots , organisé pour une cinquantaine de personnes détenues, a proposé un répertoire spécialement arrangé pour l’occasion. Sous des guirlandes lumineuses et une lumière tamisée, la voix voluptueuse de Linda Olàh accompagnée de Pierre Durand, du bassiste Stéphane Decolly et de Rafaël Koerner à la batterie, a conquis la salle polyvalente du CPHS.
En marge de ce concert, un atelier d’installation technique et d’enregistrement avec l’ingénieur du son de l’ONJ a été proposé à l’équipe du Canal de Vidéo Interne (CVI) de la prison, qui a profité de l’occasion pour mener une interview avec les quatre musiciens.  

 

Les trois nouveaux épisodes du podcast Les murs ont des oreilles, ‘Quelques gouttes de jazz’, seront réalisés en septembre dans le studio Gong Audio.

 

Mila Dutilh,
Volontaire en service civique à l’ONJ.

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