Et si Dracula était philosophe ?

Publié le 12 décembre 2023

La fiction à l’origine de la philosophie

C’est dans la salle de répétition du Figuier Blanc, à Argenteuil, qu’un groupe d’une dizaine d’enfants s’est rassemblé, accompagné des parents, pour aborder des questions philosophiques en prenant comme point de départ l’histoire de Dracula. Cet atelier, animé par Annie Popeline, a été suivi par la représentation du spectacle de l’ONJ.

Ne maintenons pas plus le suspens : non, Dracula n’est pas philosophe. Pourtant, son histoire se prête très bien aux questionnements philosophiques, comme tous les vécus des participant.e.s à cet atelier finalement. Car pas besoin de vivre des événements qui sortent du commun pour avoir quelque chose à en dire, seul suffit l’étonnement, apprend-on. En effet, la réflexion philosophique prendrait son point de départ dans l’étonnement que l’on ferait de nos expériences. Si tel est le cas, on comprend assez facilement que la philosophie questionne des sujets communs de prime abord mais moins simples qu’ils n’y paraissent lorsque l’on s’interroge dessus. En ce sens, toute histoire peut être questionnée en terme philosophique, et donc même celle de Dracula.

Après nous être interrogé.e.s sur ce qu’était la philosophie et ayant donné une définition de celle-ci, Annie Popeline pose une question au groupe : qu’est-ce qu’un monstre ? Plusieurs réponses viennent spontanément. Un monstre est quelqu’un qui fait peur, mais l’aspect du monstre ne fait pas forcément peur. D’ailleurs, certaines personnes peuvent paraître bienveillantes mais se révéler en fait diaboliques. À l’inverse, d’autres peuvent avoir l’air monstrueux sans l’être pour autant. On peut même aller plus loin, certaines personnes ont bien l’air monstrueux mais sont en fait très gentilles ; malgré tout, elles sont rejetées par la société en raison de leur apparence, comme Elephant Man par exemple. Est-ce qu’on pourrait appeler ces personnes des monstres victimes ? Mais le monstre est aussi défini par rapport à ce que l’on perçoit au quotidien. Si nous faisions un voyage en Australie, avec notre regard européen, nous serions sans doute effrayé.e.s à la vue de certains animaux, tout simplement parce que nous n’avons pas l’habitude de les côtoyer. Mais alors, cela voudrait-il dire qu’il n’existe pas de monstre en soi ? Et que le monstre dépendrait seulement du regard que l’on poserait sur lui ? S’il semble que, dans l’imaginaire collectif, un monstre soit relativement simple à identifier, on se rend compte qu’il est beaucoup moins évident à définir qu’il n’y paraît. En définitive, la philosophie nous laisse avec plus de questionnements auxquels les réponses n’ont pas encore étaient trouvées, ou ne sont du moins pas claires, mais elle a le mérite d’interroger ce qui peut sembler être arrêté. Et c’est bien ça que cherche à faire connaître cet atelier philo : ne pas tenir pour acquises toutes les idées que l’on croit fondées, mais continuer à s’interroger en permanence sur nos vécus par le biais de ce fameux étonnement philosophique, tout en respectant la parole et l’opinion de chacune et chacun.

L’atelier se clôt par une fabrication de masques. Les enfants ainsi que les parents laissent libre cours à leur imagination pour confectionner à leur manière un masque évoquant le visage d’un monstre ; peut-être celui d’un Dracula qui, sous ses airs maléfiques, se révèle en fait être un adorable petit vampire ?

 

Suzie Ferry,

Volontaire en service civique à l’ONJ

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